Le
de
(Paris: Librairie orientale et américaine de J. Maisonneuve, 1894)
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Publié à Paris en 1894, ce joli Guide au Caucase est sans doute le premier guide francophone de la région. Pratique et complet—itinéraires à travers l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, chapitres sur l'histoire, les langues et l'économie de la région, informations pratiques, &c.—son auteur semble s'être très largement inspiré des légendaires guides Murray et Baedeker (voir extraits sur ce site), qui au XIXe siècle faisaient autorité en la matière.
Son auteur, Jean Mourier (né à Limoges en 1846, décédé en 19??; voir sa 'notice d'autorité personne' sur le site de la BNF), était depuis son arrivée en Géorgie en 1879 le précepteur de français des enfants du vice-roi Mikhail Nikolaévitch à Tbilissi, et plus tard le fondateur et rédacteur-en-chef du Caucase illustré—un journal pour la communauté francophone publié à Tbilissi dont le premier numéro est paru en 1889.
Mourier était un auteur et un traducteur prolixe et, mis à part des œuvres tels le Caucase illustré et notre fameux Guide, a publié une quinzaine d'articles et d'ouvrages sur la région et son art, son histoire, son archéologie, &c.—notamment Contes et légendes du Caucase, traduits par J. Mourier (Paris: Maisonneuve & C. Leclerc, 1888), L'art au Caucase (Paris: Paul Geuthner, 1907), &c. &c.
Il aurait apparemment aussi crée un des premiers albums photographiques de la région, en collaboration avec le célèbre photographe russe Dimitri Ermakov—ce qui permettrait par ailleurs d'expliquer l'utilisation du français sur les cartes postales de l'époque (tout en reconnaissant l'importance à l'époque du français comme langue de culture et d'administration, et ce bien au-delà des frontières de l'empire russe).
Le Guide—qui se divise en deux parties: environ 200 pages d'introduction géographique, historique, ethnographique, économique, &c., suivies de 200 pages d'itinéraires à travers la région—décrit une époque hélas (?) révolue depuis bien des lunes:
Équipement.—Il est bon d'avoir, pour le chemin de fer, un coussin creux ou en crin, et, pour les petites villes, les excursions, un lit de voyage complet, quelques boîtes de conserve, thé, samovar, poudre insecticide, revolver, appareil photographique et pharmacie portative. En été, les vêtements de laine, de flanelle sont préférables à la soie et à la toile; comme coiffure, un chapeau mou ou en paille, ou un casque en liège; se munir d'ombrelle et de lunettes de couleur pour le soleil.
Si, après les chemins de fer, [...] l'on veut remonter les vallées et parcourir les montagnes, il serait utile de louer en Russie, à Odessa par exemple, un domestique parlant les langues indigènes et sachant aussi un peu la cuisine. On ne saurait entreprendre des ascensions et des courses dans les hautes montagnes, sans amener un bon guide des Alpes.
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La remarquable exploratrice et écrivain Freya Stark dans le désert du Liban en 1928,
une parfaite illustration de voyage 'à la XIXe', avec ombrelle (pour monsieur),
casque en liège (pour madame) et guide indigène
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TOUTEFOIS, il semblerait que M. Mourier se soit servi assez généreusement dans les tiroirs littéraires de son compatriote Élisée Reclus—plus précisément, du 6e tôme de sa Nouvelle géographie universelle, intitulé 'l'Asie russe': des chapitres entiers du Guide de Mourier reprennent en effet mot pour mot l'œuvre de Reclus. A titre d'exemple, cet extrait (p. 212 dudit tôme):
Un des traits les plus remarquables de la race géorgienne est son amour pour le chant et la danse. Les Grousiens n'ont pas un grand talent musical, et leur langue, pleine de gutturales et de sifflantes, ne se prête guère à la mélodie; mais ils n'en donnent pas moins de la voix tout le jour, en s'accompagnant de la daïra ou tambourin et de la balalaïka, espèce de guitare à trois cordes. Il en est dont chaque mouvement, pour ainsi dire, est accompagné du rhythme musical. En sarclant leur champ de maïs ou en s'occupant de toute autre besogne de la culture, les hommes, disposés par groupes réguliers, chantent à plusieurs parties des paroles rimées qui se rapportent à leur genre de travail: à mesure qu'ils avancent, ils précipitent leur chant; les mouvements cadencés deviennent de plus en plus rapides. Arrivés au bout du sillon, les travailleurs s'arrêtent brusquement, pour reprendre, en revenant sur leurs pas, le refrain de leur chant et la cadence de leur travail. Des maîtres despotiques, venus de la morne Russie, ont voulu imposer le silence à leurs journaliers imères, mais il leur a fallu céder; sans la joie de la musique, le labeur habituel ne pouvait plus se faire.
Mourier reproduit ce paragraphe en entier, à la lettre près, à la page 106 de la première partie de son Guide, mais sans l'attribuer à Reclus, et en prenant le soin d'omettre la dernière phrase, sans doute par peur d'offusquer son employeur, le vice-roi des 'maîtres despotiques, venus de la morne Russie'...
Une rare biographie de Jules Mourier, écrite par Ana Cheishvili, "archéologue, conservateur du patrimoine", est parue dans le 12e numéro (décembre 2013) du Canard du Caucase.
Peu de choses sont connues sur sa vie et ses recherches menées en France et en Géorgie. C’est au cours de l’étude des différentes collections caucasiennes au sein des musées français que j’ai découvert le personnage de Jules Mourier. Il m’a fallu dépouiller plusieurs archives tant en France qu’en Géorgie pour pouvoir reconstituer [son séjour en Géorgie]. [...] Aujourd’hui encore, ses travaux et ses recherches nous livrent de précieuses informations dans l’étude de l’histoire et du patrimoine géorgien.
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